Cette situation exceptionnelle de pandémie a apporté son lot de complications et de transformations des perceptions individuelles et collectives. Faute d’avoir des lignes de conduite claires en début de pandémie et devant l’incertitude de la situation et des répercussions possibles, plusieurs parents se sont interrogés quant à la mise en place de mesures de protection appropriée dans le cadre d’une garde partagée et/ou de droits d’accès.

La Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Ribeiro v. Wright [i] a rendu le premier jugement publié au Canada afin d’apporter des clarifications quant aux principes applicables dans le cadre de la pandémie liée au COVID-19. Dans cette affaire, il y avait déjà un jugement en vigueur accordant la garde d’un enfant de 9 ans à sa mère ainsi que des accès au père toutes les fins de semaine. La mère a saisi la Cour supérieure de justice de l’Ontario afin de suspendre tous accès du père en personne auprès de leur fils en raison du Covid-19. Pour justifier sa demande urgente, la mère invoquait qu’elle avait des craintes que le père ne maintienne pas la distanciation sociale pendant ses périodes d’accès, alors que pour sa part, la mère pratiquait l’isolement social dans leur maison, et ce, pendant la durée de la crise du COVID-19. Pour ces motifs, la mère refusait que leur fils quitte la maison maternelle pour quelque raison que ce soit, y compris pour voir son père.

L’audition de la demande d’urgence de la mère n’a pas été autorisée. L’honorable A. Pazaratz, a cependant expliqué les raisons justifiant le refus d’entendre la cause.

L’honorable A. Pazaratz a développé un test, par l’entremise du jugement cité précédemment, qui servira à déterminer s’il y a urgence d’intervenir afin de modifier les modalités de garde ou d’accès d’un parent envers l’enfant en raison de la COVID-19. Les critères de détermination de l’urgence ont été énoncés comme suit :

  1. Le parent désirant obtenir un jugement d’urgence (Ordonnance de sauvegarde) en raison d’une crainte et de l’absence d’accord parental devra fournir des preuves spécifiques ou des exemples de comportement ou de plans de l’autre parent qui ne sont pas conformes aux protocoles COVID-19;
  1. Le parent qui répond à une requête aussi urgente devra fournir une assurance spécifique et absolue que les mesures de sécurité du COVID-19 seront scrupuleusement respectées – y compris la distanciation sociale;  lavage de main fréquent ou utilisation de désinfectants si aucun accès à de l’eau n’est possible; respect des directives de sécurité publique; etc.;
  1.  Les deux parents devront fournir des propositions de partage du temps très spécifiques et réalistes qui répondent pleinement à toutes les considérations relatives à COVID-19, d’une manière centrée sur l’enfant;
  1.  Les juges prendront probablement connaissance du fait que la distance sociale devient à la fois courante et acceptée, étant donné le nombre d’établissements publics qui ont été fermés. C’est un très bon moment pour les parents gardiens et les parents ayant accès à l’enfant pour passer du temps avec leur enfant à la maison.

Les tribunaux québécois ont reconnu dans leur décision l’application du test afin de déterminer s’il y avait réellement urgence d’intervenir. Les tribunaux québécois traiteront des questions de garde et d’accès en lien avec la crise sanitaire du COVID-19 selon chaque cas qui leur sera présenté.

En ce temps de crise, notre système judiciaire a des ressources extrêmement limitées tout comme la majorité des institutions gouvernementales. Par conséquent, si les modalités de garde et d’accès actuelles ne trouvent plus application dans le cadre de la Pandémie et que vous n’arrivez pas à trouver une solution appropriée avec l’autre parent afin de faire un aménagement différent de votre temps de garde, vous pourrez présenter une demande d’urgence. Cependant votre demande sera soumise au test énoncé ci-haut afin de déterminer s’il y a réelle urgence. Si le juge du triage considère qu’il y a urgence, vous aurez l’opportunité de faire vos représentations afin qu’un juge puisse rendre une ordonnance appropriée.

Bien évidemment, présenter une demande d’urgence devant les Tribunaux n’est pas la première solution à envisager. Chaque famille aura ses propres problèmes et complications. Quelle que soit la difficulté du défi, il n’en demeure pas moins que la principale considération demeure le bien-être psychoaffectif et physique de vos enfants. Vos enfants ont besoin de leurs deux parents pour s’épanouir. Soyez ingénieux et surtout collaboratif.  Les parents doivent agir de manière responsable et tenter de trouver une solution simple avant même d’introduire des demandes judiciaires urgentes.

Pour toutes questions complémentaires, n’hésitez pas à nous appeler.

Marie-Pier Ferron, Avocate

TLM Avocats


[i] Ribeiro v Wright, 2020 ONSC 1829 (CanLII),  http://canlii.ca/t/j60jj